Une protection équitable du climat

Dans sa Stratégie Climat 2050, la Confédération a prévu d’atteindre zéro émission nette d’ici 2050. Ce délai est beaucoup trop long : pour limiter le réchauffement de la température mondiale à 1,5 °C, les pays industrialisés comme la Suisse doivent en effet avoir décarboné leur société avant 2040. Notre pays ne s’est toujours pas doté d’un plan d’action définissant des objectifs intermédiaires suffisamment ambitieux. Il n’a pas rempli l’engagement qu’il s’était fixé pour 2020, une réduction de 20 % de ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990.

La Suisse fait partie des pays qui émettent le plus de gaz à effet de serre par habitant. Comme nous importons la plupart des biens que nous consommons, près de 60 % de ces émissions sont générées à l’étranger. Mais les quantités dont nous sommes historiquement responsables sont en réalité bien plus élevées, car les gaz à effet de serre ont commencé à s’accumuler dans l’atmosphère dès le début de l’ère industrielle.

Pour calculer la contribution de la Suisse au financement des mesures internationales contre le réchauffement climatique, le Conseil fédéral ne prend en compte ni ces émissions « historiques » ni celles qui sont générées hors de nos frontières. Il sous-estime délibérément la responsabilité de la Suisse et le montant qu’elle serait tenue de verser au pot commun de 100 milliards de dollars que la communauté internationale espère réunir pour soutenir la protection du climat et l’adaptation au réchauffement dans les pays du sud. Le plus choquant, c’est que cette contribution est presque exclusivement prélevée sur le budget de la coopération au développement, au lieu d’augmenter les dépenses publiques ou les taxes sur les émissions en veillant à leur acceptabilité sociale, comme la Suisse s’est engagée à le faire dans le cadre de l’ONU.

Comme le zéro net ne peut être atteint dans tous les domaines, limiter le réchauffement passe nécessairement aussi par les émissions négatives. Mais nous ne pouvons pas miser uniquement sur des innovations technologiques. Il faut en premier lieu transformer notre économie et nos modes de vie.

Compenser une partie de nos émissions à l’étranger, comme le prévoit le Conseil fédéral, ne résout pas le problème à long terme et accroît les inégalités face au changement climatique. Cela ne fait que retarder la suppression des subventions préjudiciables au climat et les investissements dans les énergies renouvelables. C’est aussi un choix injuste pour les pays pauvres, qui délèguent aux pays riches la mise en œuvre de mesures climatiques faciles à concrétiser afin que ceux-ci puissent compenser leurs propres émissions, déjà bien trop élevées. Il s’ensuit une diminution de la marge de manœuvre des pays pauvres pour réaliser ultérieurement leurs propres objectifs climatiques. Car en définitive, tous les pays doivent atteindre zéro émission nette.

Les investissements dans les énergies fossiles sur la place financière suisse alimentent un réchauffement catastrophique de 2 à 4 °C. Qu’ils soient publics ou privés, les établissements financiers et les investisseurs ne disposent d’aucun plan concret pour financer des objectifs climatiques audacieux. Il faut une sortie rapide des énergies fossiles et des moyens financiers pour une économie innovante et respectueuse du climat.

Nos revendications

  • D’ici 2030, la Suisse réduit au moins de moitié ses émissions de gaz à effet de serre par des mesures prises sur son territoire, et elle les ramène à zéro net au plus tard en 2040. Elle élabore un plan contraignant avec des objectifs intermédiaires concrets, en incluant dans l’équation les émissions que les biens de consommation importés engendrent à l’étranger.
  • La Suisse double sa contribution au fonds international destiné à financer des mesures contre le réchauffement climatique et y verse au minimum 1 milliard de francs par année. Sa participation s’élève au moins à un pour cent du montant fixé par la communauté internationale pour après 2025.
  • La contribution à ce fond n’est pas financée par le budget de la coopération au développement, mais par un crédit supplémentaire conformément aux engagements pris dans le cadre de l’ONU.
  • La Suisse définit de nouvelles sources de financement basées sur le principe de causalité pour transformer l’économie et la société d’une façon équitable et acceptable pour toutes et tous.
Schassmann Eva
Auteurs
Eva Schmassmann

Avec la collaboration de Stefan Salzmann, Action de Carême/Alliance climatique, Andreas Missbach, Alliance Sud, Patrik Berlinger, Helvetas

Rapport en PDF

ODD 13 (PDF)

Littérature complémentaire
Ce chapitre aborde les liens avec les ODDs suivants :