À qui appartient la ville ?

Une ville durable est une ville capable de s’adapter au changement climatique. Les espaces verts et les façades y rafraîchissent l’atmosphère durant les canicules. « Ville éponge », elle absorbe de grandes quantités d’eau dans son sol lors des fortes pluies et les stocke en prévision des hausses de température et période de sécheresse. Elle n’ajoute pas des degrés supplémentaires au réchauffement climatique et n’émet pas plus de gaz à effet de serre qu’elle ne peut en absorber dans l’atmosphère. La substance du bâti existant est recyclée, les matières premières consommées en cycle fermé. La ville concilie différentes exigences en matière de logement, de travail, de loisirs et de mobilité. Elle maintient tous les lieux de la vie quotidienne à faible distance les uns des autres et se veut accessible à chacun·e. Son urbanisme et ses nouveaux projets tiennent compte des besoins de ses habitant·es, qui participent à leur réalisation. Ceux-ci reflètent la diversité de la société et trouvent sans peine des logements qui leur conviennent à un prix abordable. La ville durable n’est pas dépendante de quelques grosses entreprises pourvoyeuses de recettes fiscales ou de places de travail.

En 2020, plus de 80 % de la population suisse vivait en ville. La réalité des citadin·es est encore bien loin de la vision que nous venons de décrire. Sols imperméabilisés, rues asphaltées et espaces verts insuffisants entraînent la formation de véritables îlots de chaleurs durant les canicules. Près de 60 % des surfaces ouvertes à la circulation sont réservées au transport individuel motorisé. Les gens qui peuvent s’offrir une voiture sont privilégiés. Dans de nombreuses villes, la plupart des habitant·es ne possèdent pas de voiture. Les transports publics, la marche et le vélo sont des alternatives peu ou pas émettrices de CO2 pour se déplacer à l’intérieur du périmètre urbain. Il convient de les encourager davantage et de les rendre accessibles à toutes et tous.

De nombreux ménages à faibles revenus ne peuvent plus se permettre de vivre en villes. La location d’un logement leur coûterait plus de 30 % de leur revenu et ils se trouvent forcés de déménager en périphérie. Les classes moyennes sont elles aussi de plus en plus souvent dans ce cas. Sans une protection efficace des locataires, les bailleurs pourraient brandir de façon abusive l’argument du changement climatique et de la rénovation des passoires thermiques – certes nécessaire – pour augmenter leurs rendements via des hausses de loyer injustifiées et des résiliations collectives.

La concurrence économique entre pôles urbains a des effets pervers. Les villes se spécialisent dans certains secteurs et attirent de nouvelles entreprises. La concentration d’emplois dans un petit nombre de métropoles accroît cependant la mobilité due au travail. Une meilleure répartition des entreprises et des emplois dans plusieurs villes – également de moindre taille – aiderait à limiter les trajets.

L’urbanisme doit permettre de corriger les inégalités de pouvoir. Des processus participatifs sont certes déjà mis en œuvre çà et là. Mais ils fonctionnent surtout pour des petits projets à l’échelle du quartier. Dès que de gros investisseurs et de gros profits sont en jeu, les habitant·es et les personnes concernées par un projet de construction n’ont aucune chance de l’emporter dans les processus politiques.

Nos revendications

  • Les villes élaborent leur propre stratégie climatique. Elles visent la neutralité carbone à l’horizon de 2040 et prennent des mesures à cette fin.
  • La Confédération, les cantons et les villes prennent des mesures pour accélérer la rénovation des passoires thermiques. Ce faisant, elles veillent à préserver un parc de logements abordables par des moyens efficaces comme la protection des logements et le contrôle des loyers, tout en s’assurant que les travaux n’entraînent pas des résiliations collectives et des hausses de loyer abusives. Le patrimoine bâti et le caractère propre des quartiers sont sauvegardés.
  • Les cantons et les villes encouragent l’économie circulaire dans le secteur du bâtiment. Ils fixent des objectifs de réduction de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie d’un bâtiment, en tenant compte de l’énergie grise.
  • Les villes investissent dans la désimperméabilisation et la végétalisation des sols. Lors du renouvellement des chaussées et de la réfection des routes, elles désimperméabilisent un maximum de surfaces.
  • Les villes encouragent une mobilité efficiente, peu encombrante, respectueuse de l’environnement et accessible à chacun·e.
  • La Confédération, le canton et les villes garantissent que les populations défavorisées ont l’accès à des logements abordables.
  • La planification des projets commence toujours par une analyse des besoins. Les habitant·es dont le quotidien pourrait être impacté par les changements sont intégré·es dès le début grâce à des processus de participation efficaces et ont voix au chapitre lors de la planification et de la mise en œuvre.
Schassmann Eva
Auteurs
Eva Schmassmann

Avec la collaboration de Patrizia Bernasconi, Association des locataires de Bâle, et de Tonja Zürcher, actif-trafiC

Rapport en PDF

ODD 11 (PDF)

Littérature complémentaire
Ce chapitre aborde les liens avec les ODDs suivants :