Mauvaises réponses aux mauvais dangers

24. Mar 2022 | contribution externe

Les présidents des partis d’austérité PLR et UDC demandent deux milliards de francs supplémentaires pour l’armée. De l’argent qui serait mieux utilisé pour le financement urgent du climat.

Et soudain, le porte-monnaie se desserre : l’Allemagne veut débloquer 100 milliards d’euros de « fonds spéciaux », notamment pour l’armement, et en Suisse, les présidents des partis d’austérité PLR et UDC demandent deux milliards de francs supplémentaires pour l’armée. Les réactions violentes à l’agression brutale de l’Ukraine sont compréhensibles. C’est une catastrophe pour la population du pays, qui souhaitait la prospérité, la paix et, dans sa majorité, la démocratie. Pour l’heure, il est difficile de dire ce que signifie le retour des guerres interétatiques en Europe.

Sauf que la Russie de Poutine n’a pas attaqué l’Ukraine parce que l’Europe occidentale lui est militairement inférieure. Au contraire, les pays de l’OTAN possèdent partout une supériorité parfois massive en matière d’armes conventionnelles – à l’exception de quelques catégories d’armes. Même si l’on doute de la capacité d’intervention rapide en cas d’attaque d’un pays de l’OTAN, ce n’est certainement pas par manque d’armes. En 2020, la Russie a dépensé 61,7 milliards de dollars pour l’armement. Les quatre plus grands pays européens de l’OTAN en ont dépensé ensemble trois fois plus. Avec l’augmentation annoncée des dépenses militaires à 2% du PIB, l’Allemagne à elle seule va dépasser nettement la Russie.

Vladimir Poutine ne veut pas intégrer des pays de l’UE ou de l’OTAN, ni même restaurer l’Union soviétique ; les Etats d’Asie centrale, par exemple, lui sont indifférents tant qu’ils sont gouvernés de manière autocratique. Ce qui l’intéresse, c’est une Russie historique imaginaire qu’il veut réunifier. Bien sûr, un autocrate isolé est dangereux, mais dans ce cas, ce n’est certainement pas parce qu’il veut attaquer des adversaires qui lui sont supérieurs du point de vue des armes conventionnelles, mais parce qu’il a les doigts sur le bouton des missiles nucléaires. Aucune des menaces réelles qui pèsent sur la démocratie, les droits humains, la paix et l’intégrité de l’Europe ne peut être compensée par une augmentation des dépenses d’armement.

La neutralité climatique est aussi une politique de sécurité
Pour des raisons compréhensibles, la publication, lundi 28 février, du rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur « l’impact, l’adaptation et la vulnérabilité », est passée inaperçue dans l’opinion publique. Son résumé, négocié politiquement, mentionne que 3,3 à 3,6 milliards de personnes « vivent déjà dans un environnement très vulnérable au changement climatique ». Et il note que « si le réchauffement climatique s’accentue, les effets des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes, notamment les sécheresses, influenceront de plus en plus les conflits violents au sein des États en raison de leur vulnérabilité accrue ». Et même en l’absence de guerres climatiques, davantage de personnes tomberont malades et mourront prématurément : « Le changement climatique et les événements extrêmes qui y sont liés entraîneront une augmentation considérable des maladies et des décès prématurés à court et à long terme ».

Les coûts de l’adaptation au changement climatique sont plus importants que ne le supposait encore le dernier rapport du GIEC. Celui-ci estime qu’il faudra 127 milliards de dollars par an en 2030, et davantage par la suite. Les 100 milliards de financement climatique annuel promis par les pays industrialisés pour la prévention et l’adaptation d’ici 2025 ne suffiront certainement pas, sans compter que cette somme n’a jamais été atteinte à ce jour. Par rapport à l’empreinte climatique globale de la Suisse, celle-ci devrait contribuer à cet objectif à hauteur de 1 milliard ; actuellement, elle n’en met que la moitié sur la table et cet argent provient en grande partie du budget de l’aide au développement.

Oui, PLR et UDC, il faut ouvrir le porte-monnaie, mais pour un financement climatique qui correspond à la responsabilité de la Suisse et qui garantit sa neutralité climatique. Pour la sécurité de la Suisse, aucune dépense n’est plus nécessaire que celle qui consiste à développer immédiatement les énergies renouvelables. Les centrales à gaz pour les cas d’urgence, dont les plans ont été présentés juste quelques jours avant le déclenchement de la guerre, ressemblent depuis à une mauvaise blague.

 

Cet article fut d’abort publié sur le site web d’Alliance Sud.

Dominik Gross
Andreas Missbach

Alliance Sud

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Cet article fut d’abord publié sur le site web de Alliance Sud.

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