Le Conseil fédéral rate une triple occasion d’organiser la transformation

5. Oct 2023 | actualité, prise de position, institutions, ressources

Avant la pause estivale, le Conseil fédéral a mis en consultation trois stratégies clés pour le développement durable, mais il y rate l’occasion de le façonner activement. La plateforme Agenda 2030 a participé aux trois consultations. Elle demande une augmentation des moyens dans tous les domaines et une orientation conséquente vers les 17 objectifs de développement durable de l’Agenda 2030.

L’année prochaine, le Conseil fédéral soumettra au Parlement ses stratégies pour la formation, la recherche et l’innovation ; la coopération internationale ; et la culture pour les années 2025 à 2028. Pendant l’été 2023, il a permis à tous les milieux intéressés de s’exprimer sur les trois stratégies dans le cadre d’une consultation publique. La plateforme Agenda 2030 a participé aux trois consultations car les trois domaines ont le potentiel d’accélérer la transformation vers un développement durable.

Orienter l’éducation, la recherche et l’innovation vers les besoins de la collectivité dans les limites de la planète

Les défis mondiaux actuels et les crises multiples (climat, guerre, biodiversité et inégalités) appellent une transformation radicale et de nouvelles approches. Les solutions requièrent la capacité de résolution des problèmes et la force d’innovation des acteurs sociaux. L’éducation, la recherche et l’innovation sont des instruments importants pour façonner cette transformation et nous préparer à l’avenir dans des conditions modifiées.

Mais le message sous-estime les possibilités d’action de la Confédération. Il repose sur une conception selon laquelle la formation, la recherche et l’innovation doivent servir avant tout des intérêts et des objectifs économiques. Il faudrait au contraire une compréhension active et créatrice qui donne la priorité aux besoins de la collectivité d’une planète durable.

Nous n’avons pas besoin d’innovation pour stimuler la consommation (et donc l’utilisation des ressources). Jusqu’à présent, les gains d’efficacité n’ont fait qu’augmenter la consommation par effet de rebond. Nous avons besoin d’innovations qui accélèrent la transformation vers la durabilité, tant au niveau technologique que social. Dans ce domaine, le message devrait fixer des objectifs stratégiques clairs et promouvoir par exemple l’innovation technologique et sociale pour l’économie circulaire et la réalisation des objectifs climatiques fixés, et apporter des réponses à la pénurie de soins et au manque de personnel dans l’éducation et la formation.

Dans l’ensemble, le message est trop axé sur les innovations technologiques. Contrairement à la Suisse, l’UE et de nombreux pays européens ont reconnu les innovations sociales comme une approche importante pour résoudre les défis sociaux et environnementaux. La Suisse a du retard à rattraper dans ce domaine.

Une solidarité forte renforce la coopération internationale

La stratégie de coopération internationale prévoit un recul du financement du développement par rapport à la performance économique de la Suisse.

Pour la première fois depuis 2013, ce taux devrait passer sous la barre des 0,4%. De plus, le Conseil fédéral prévoit un déplacement massif des moyens : 13% sont prévus pour l’aide à l’Ukraine et la reconstruction (1,5 milliard de francs). Nous demandons ici un financement extraordinaire. Puiser ces moyens sur le crédit de la coopération internationale signifie que les pays les plus pauvres vont payer pour la reconstruction et l’aide d’urgence de l’Ukraine, dont elle a un grand besoin. Mais ces moyens ne seront plus disponibles pour des activités dans ces pays.

De surcroît, compte tenu de l’augmentation de la pauvreté et de la faim, il est urgent d’augmenter les moyens de la coopération internationale. La Suisse doit enfin lui allouer les 0,7% de sa performance économique, comme promis depuis longtemps et réaffirmé dans l’ODD 17, et démontrer sa solidarité avec les personnes du Sud global.

La garantie de revenus pour les acteurs culturels fait partie de la durabilité

La culture a le potentiel d’accélérer la transformation de notre société vers une société durable. Elle devrait être renforcée dans son rôle et, grâce à des visions positives d’un avenir durable, apaiser les peurs face au changement et à la transformation.

Nous saluons explicitement le fait que le présent message attribue à la culture un rôle central dans la stimulation de la créativité et de l’imagination. Elle peut ainsi aider à un changement des mentalités vers un comportement plus durable et économe.

Le présent message sur la culture contient des champs d’action dans toutes les dimensions de la durabilité, mais il utilise à plusieurs reprises le terme « durabilité » de manière trop unilatérale par rapport à la dimension environnementale et climatique. Les thèmes de l’égalité des chances, de la diversité et de la garantie des revenus, mentionnés comme défis, sont également des dimensions de la durabilité et sont représentés dans les ODD. En conséquence, nous proposons de fixer l’objectif « La culture comme dimension de la durabilité » comme objectif général et d’introduire un nouveau champ d’action « Climat et environnement ».

Organiser activement la transformation signifie aussi mettre suffisamment de moyens à disposition

Pour ces trois stratégies, le Conseil fédéral renonce à une augmentation suffisante des moyens Pourtant, malgré le frein à l’endettement, il existe en Suisse une marge de manœuvre financière pour réaliser les investissements nécessaires. D’un point de vue économique, la Confédération n’a aucune raison de réaliser des coupes budgétaires. Au contraire : la dette publique extrêmement faible de la Suisse rend possible des investissements supplémentaires dans les prochaines années : une étude publiée récemment calcule qu’au moins 15 milliards de francs seront disponibles pour des dépenses supplémentaires d’ici 2030, et même 25 milliards d’ici 2050. Or l’inaction actuelle entraînera une hausse massive des coûts. Compte tenu du recul dans la réalisation des Objectifs de développement durable de l’ONU, il faut aussi prendre des mesures au niveau des recettes. Il convient notamment d’examiner l’introduction d’un impôt sur les bénéfices excédentaires et la réintroduction de l’impôt sur les successions.

Schassmann Eva
Eva Schmassmann

Plateforme Agenda 2030

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