La confiance entre les citoyens et l’État est payante dans les situations de crise

26. Juin 2020 | contribution externe

Entretien avec Una Hombrecher, EPER

Quels sont les effets du Covid-19 sur le développement durable ? La Plateforme Agenda 2030 mène une série d’entretiens avec des spécialistes de nos organisations membres.

 

Afin d’empêcher la propagation du coronavirus et de contrôler la pandémie, presque tous les pays ont restreint les libertés civiles. Comment avez-vous ressenti cette restriction en tant que personne professionnellement engagée à ouvrir des espaces à la société civile ?

C’était un sentiment étrange d’être moi-même affecté par de telles restrictions, de ne pas pouvoir circuler librement, par exemple de ne pas pouvoir traverser la frontière nationale. Mais j’ai estimé que les mesures étaient proportionnées compte tenu des risques pour la santé publique.

Il était également impressionnant de voir le niveau de confiance dans les autorités en Suisse et en Allemagne. Si la Chine a imposé le verrouillage de manière autoritaire, chez nous, la compréhension intérieure d’une grande partie de la population a joué un rôle décisif à cet égard. Dans les situations de crise, une relation de confiance entre les citoyen.ne.s et l’État est particulièrement payante : Les mesures ordonnées sont suivies et ne doivent pas être exécutées par la force.

Afin de faire mieux accepter les mesures restrictives, les principes fondamentaux des droits humains doivent également être respectés : Proportionnalité, en fournissant des informations transparentes sur les raisons pour lesquelles ces interventions sont nécessaires. Et, les limiter dans le temps, pour qu’il soit clair que l’exception ne devient pas la nouvelle règle. Cependant, je vois précisément ce risque dans différents pays : Certains gouvernements profitent de la crise pour limiter les critiques indésirables et il n’est pas certain qu’ils mettront fin aux restrictions, ni quand. Nous voyons déjà des indices que les restrictions n’ont pas seulement été prises pour prévenir une pandémie, mais qu’elles visaient également des objectifs politiques.

Avez-vous un exemple ?

J’ai trouvé un rapport du Kirghizistan particulièrement évident. Il y a eu des manifestations pour la libération d’un homme politique de l’opposition. Mais ensuite, une manifestation pour marquer la Journée internationale de la femme a été interdite, en partie à cause du danger de corona – bien qu’il n’y ait pas encore eu de cas confirmé d’infection par Covid-19. En même temps, cependant, un grand groupe d’hommes a été autorisé à se réunir lors d’une cérémonie traditionnelle pour se défendre contre le coronavirus.

Au Zimbabwe, les membres de l’opposition, les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme ont fait l’objet d’un harcèlement et d’une criminalisation accrus au cours des dernières semaines. L’enlèvement, la torture et les poursuites pénales qui s’ensuivent contre trois femmes membres de l’opposition sont les dernières d’une série croissante de violations des droits humains et de comportements de plus en plus politisés de la part des forces de sécurité et du pouvoir judiciaire.

Toutefois, il est encore trop tôt pour faire des déclarations définitives sur les conséquences à long terme. Les acteurs de la société civile de tous les pays sont actuellement en train d’élaborer des stratégies pour rouvrir les espaces et inverser les restrictions. De nouveaux réseaux et formes d’engagement virtuel se sont soudainement développés rapidement avec la crise.

La numérisation peut-elle rendre possible de nouvelles formes d’action dans ce domaine ?

La numérisation offre certainement des nouvelles opportunités. Cependant, il faut bien les mettre en balance avec le risque de surveillance. Mais au cours des derniers mois, cela nous a permis de maintenir un échange avec des partenaires et des réseaux. Je me souviens en particulier d’une réunion virtuelle avec des partenaires d’Israël et de Palestine. Ces réunions de réseau ont généralement lieu régulièrement dans la région. Mais nos partenaires de la bande de Gaza n’ont jamais été autorisés à voyager, alors ils ont été connectés via Skype. Cette année, la réunion était virtuelle pour tout le monde. Pour la première fois, les participant.e.s de la bande de Gaza étaient représentés à égalité.

Interview conduite par Eva Schmassmann.

Source foto: ippnw Allemagne, Bethlehem, CC BY-NC-SA

 

 

Dominik Gross
Una Hombrecher

Conseillère en paix et en droits de l’homme, EPER

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