Coopération internationale rectifiée mais sans moyens supplémentaires

25. Fév 2020 | prise de position, ressources

Le Conseil fédéral présente sa stratégie de coopération internationale de 2021 à 2024. Il rectifie son contenu de manière importante et se réfère centralement à l’Agenda 2030. Il ignore toutefois délibérément toutes les demandes d’augmentation des ressources nécessaires.

Pour la première fois, le Conseil fédéral a mis en consultation publique sa stratégie de coopération internationale (CI), l’exposant aux avis de larges milieux. Quelque 250 actrices et acteurs y ont participé. Bien que le Conseil fédéral ait pris en compte des propositions majeures sur le fond, il a maintenu rigoureusement l’enveloppe financière annoncée. C’est d’autant plus déconcertant que les comptes de la Confédération laissent paraître à nouveau un excédent de 3.1 milliards de francs. La Suisse se contente d’investir 11.25 milliards de francs dans la CI ces quatre prochaines années. Durant la période précédente, le crédit-cadre se montait déjà à 11.11 milliards : il s’agit donc d’une maigre adaptation de 140 millions de francs. Au vu de la situation financière, le Conseil fédéral aurait pu accroître les moyens bien plus nettement.

Par contre joie de gaspiller pour l’armée

Lors de la même séance, le Conseil fédéral adoptait aussi un crédit en faveur de l’armée pour la même période. Prudemment, il y a quatre ans il avait demandé un montant de 18.8 milliards pour 2017-2020. Heureux de dépenser, le Parlement avait alors porté le crédit à 20 milliards. Le Conseil fédéral abonde désormais, portant le nouveau crédit-cadre à 21.1 milliards pour les quatre ans qui viennent. Ce 1.1 milliard de plus correspondrait à la croissance moyenne des dépenses fédérales, selon le gouvernement.

Sur la scène internationale, la Suisse a pourtant répété sa volonté d’augmenter les ressources en faveur de la coopération. Le Conseil fédéral s’abstient de dire pourquoi il n’entend accroître ces mêmes moyens que de façon négligeable et largement inférieure à la moyenne des dépenses.

Ne pas jouer le climat contre le droit au développement

Cette avarice irrite d’autant plus que le Conseil fédéral entend augmenter progressivement le financement pour préserver le climat à l’échelle internationale de 300 à 400 millions de francs par an. Il le faut, puisque la Suisse est encore loin d’y contribuer de manière équitable.

Comme les moyens n’augmentent pas au total, le Conseil fédéral joue ainsi les besoins élémentaires des plus pauvres, leur droit à l’éducation et à la santé contre la protection face aux désastres climatiques. C’est indigne d’une Suisse solidaire.

Des buts clairs fixés à la coopération suisse

La Plateforme Agenda 2030 salue une série de modifications de fond, qui correspondent à ses exigences exprimées lors de la consultation. Ces rectifications et précisions redonnent la première importance à la réduction de la pauvreté et au développement durable, en confirmant qu’ils restent l’essence de la coopération internationale. La stratégie révisée affirme aussi qu’il faut créer des emplois décents au Sud et à l’Est. On y trouve l’égalité des genres renforcée, au titre d’objectif transversal.

Il est précisé également que la CI doit fortifier le secteur privé dans les pays en développement – et non pas soutenir des entreprises helvétiques sur place. Enfin, le critère des intérêts suisses est clarifié dans le sens d’intérêts à long terme.

Opportunités manquées

D’autres exigences n’ont malheureusement pas été entendues : la coopération bilatérale se retire ainsi d’Amérique latine. En regard D’États dominés par des élites locales dont la déroute est manifeste, les populations latino-américaines ont pourtant besoin plus encore d’un soutien, d’une présence internationale. Les programmes de la CI suisse, notamment en faveur des droits humains et de l’état de droit, répondent efficacement aux problèmes – qui vont s’aggraver plutôt que s’améliorer les années prochaines.

Le Conseil fédéral n’avance pas non plus en matière de collecte des données. Pour atteindre les plus démunis et les groupes défavorisés et pour étendre les programmes en toute efficience afin de « ne laisser personne de côté », il faut des données désagrégées. Dans la stratégie présentée, le Conseil fédéral n’a pas su aborder le sujet de façon explicite et offensive.

Une autre revendication se heurte à un mur : durant la consultation, nous avons demandé que la Suisse n’encourage, au travers de sa coopération multilatérale, que des projets qui contribuent clairement à combattre la pauvreté et qui visent la durabilité écologique. Pourtant, les banques multilatérales de développement, que soutient la Suisse, continuent d’appuyer des modèles de développement fondés sur l’extraction d’énergies fossiles.

Plus d’informations

La réponse de la Plateforme suisse Agenda 2030 à la consultation

La stratégie de coopération internationale du Conseil fédéral

 

Dominik Gross
Eva Schmassmann

Plateforme Agenda 2030

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