HLPF : un compte à rebours pour l’Agenda 2030

20. Août 2025 | actualité, institutions

Du 14 au 23 juillet 2025, le Forum politique de haut niveau (HLPF) s’est réuni à New York – comme chaque année –  afin de faire le point sur la mise en œuvre des objectifs de développement durable. Sur la base de l’analyse du Global Policy Forum Europe et du nouveau rapport de la société civile « Progressing national SDG implementation », nous vous présentons ici un aperçu des principales conclusions.  

 Du 14 au 23 juillet 2025, le Forum politique de haut niveau des Nations unies (High-Level Political Forum, HLPF), l’organe central des Nations unies chargé de superviser la mise en œuvre de l’Agenda 2030 et des 17 objectifs de développement durable (ODD), s’est réuni à New York. Plus de 6’000 représentant∙e∙s de gouvernements, d’organisations internationales, de villes, de la société civile, du monde scientifique et économique y ont participé. La rencontre de cette année s’est déroulée dans un climat géopolitique difficile : guerres et conflits en hausse, affaiblissement du multilatéralisme, stagnation de la politique climatique et abandon de l’Agenda 2030 par le gouvernement américain sous la présidence de Donald Trump.

Priorités du HLPF 2025
Le bilan intermédiaire de la mise en œuvre de l’Agenda 2030 est décevant : selon le rapport des Nations unies sur les ODD, seuls 18% des objectifs sont en bonne voie, tandis que plus d’un tiers d’entre eux sont au point mort ou en recul. La persistance de l’extrême pauvreté (plus de 800 millions de personnes), les inégalités et la faim, ainsi que les dommages environnementaux et l’escalade des risques climatiques sont particulièrement alarmants.

Cette année, le HLPF se concentrait sur l’évaluation de cinq ODD. Les progrès réalisés varient selon les domaines :

  • ODD 3 (bonne santé et bien-être) : baisse encourageante de la mortalité maternelle et infantile, mais risque de reculs suite aux coupes budgétaires prévues dans la coopération au développement, notamment pour les campagnes de vaccination et en particulier les programmes de lutte contre le VIH/sida.
  • ODD 5 (égalité entre les sexes) : nombreuses réformes juridiques positives en faveur des droits des femmes, mais persistance des inégalités structurelles et débats politiquement chargés sur le « genre » et la santé sexuelle/reproductive.
  • ODD 8 (travail décent et croissance économique) : croissance inférieure aux attentes et toujours loin d’être durable ; lancement d’une initiative « Beyond GDP » visant à développer des indicateurs de prospérité plus pertinents que le PIB.
  • ODD 14 (vie aquatique) : progrès dans le cadre de l’accord des Nations unies sur la protection des hautes mers, mais le nombre de zones marines protégées reste bien en deçà de l’objectif fixé pour 2030 ; le danger des forages en eaux profondes reste aigu.
  • ODD 17 (Partenariats pour la réalisation des objectifs) : résultat de la conférence sur le financement du développement (Financing for Development FfD4) en juin passé, l’« engagement de Séville » fournit des pistes, mais reste vague et peu contraignant. Malgré la confirmation de 0,7 % pour l’aide publique au développement (APD), l’objectif de l’ONU semble lointain.

Rapports nationaux volontaires – entre ambition et réalité
Les rapports nationaux volontaires (Voluntary National Reviews – VNR) constituent un élément central du HLPF. La Suisse a présenté son dernier Rapport national en 2022, le prochain étant prévu pour 2026. Cette année, 35 pays ont présenté leurs rapports. Les villes et les régions apparaissent de plus en plus comme des acteurs à part entière : à ce jour, 363 rapports locaux volontaires ont été réalisés dans le monde, complétés par des rapports régionaux.
Les observateur∙rice∙s ont critiqué le fait que de nombreux VNR servent d’autopromotion aux gouvernements, avec peu d’autocritique et une participation insuffisante de la société civile. L’implication des acteurs non étatiques locaux et régionaux dans les processus de reporting varie considérablement.

Évaluation de la société civile : progrès et lacunes
Parallèlement au HLPF, un réseau international de la société civile a publié le rapport « Progressing National SDGs Implementation ». Basé sur l’analyse des 35 VNR 2024, ce rapport évalue la qualité de la gouvernance, la participation de la société civile, le financement de la mise en œuvre des programmes de développement durable et le principe central de l’agenda « Leave no one behind » (LNOB).

Principales conclusions :

  • Gouvernance et participation : deux tiers des pays ont créé de nouvelles structures de coordination des ODD, mais seulement 9 au plus haut niveau gouvernemental. La proportion de structures décrites comme « multipartites » est passée de 38% (2023) à 63%.
  • Politique et budgets : 91% intègrent les ODD dans les politiques nationales, mais seuls quelques-uns relient ces politiques à des budgets spécifiques dédiés à l’implémentation des ODD.
  • LNOB : ce principe est mentionné partout, mais seuls 29% des pays recensent systématiquement les groupes laissés pour compte. Souvent cités : les femmes, les personnes handicapées, les enfants/adolescents.
  • Espace civique : 71 % abordent la question de l’importance des espaces civiques; néanmoins, des lacunes subsistent en matière de participation et de protection.

Les VNRs doivent gagner en pertinence : pour cela, plutôt que de rester des simples descriptions, les VNRs doivent évoluer et proposer des analyses approfondies accompagnées de recommandations concrètes.

Perspectives
Le Forum politique de haut niveau (HLPF) 2025 s’est conclu par l’adoption d’une déclaration ministérielle de 21 pages qui avait été négociée au préalable, mais qui est restée controversée jusqu’à la fin, notamment sur trois points principaux :

  1. Paix et sécurité : Israël a demandé la suppression d’un paragraphe sur l’autodétermination des peuples vivant sous occupation. Seuls les États-Unis ont soutenu cette demande, qui a été clairement rejetée.
  2. Santé et droits sexuels et reproductifs (SDSR) : les États-Unis, le Vatican et plusieurs pays conservateurs du Sud ont rejeté les formulations correspondantes, mais ne l’ont fait savoir (à l’exception des États-Unis) qu’après l’adoption de la déclaration.
  3. Accès aux produits médicaux : plusieurs pays occidentaux, dont la Suisse, ont voulu supprimer le terme « unhindered » (sans entrave) afin de préserver les intérêts en matière de protection des brevets. L’amendement a été rejeté.

La déclaration a été adoptée à une large majorité (154 voix pour, 2 contre – les États-Unis et Israël – et 2 abstentions). Cela montre que malgré les divergences politiques, des décisions multilatérales sont possibles. A noter toutefois les fissures dans le système : de nombreux États se sont ensuite distanciés de certains passages et 35 pays n’ont même pas participé au vote.

Les cinq années qui restent jusqu’en 2030 seront décisives pour savoir si les États et les acteurs pertinents se tiendront à leur engagement pris dans la déclaration : « prendre des mesures audacieuses, ambitieuses, rapides, justes et transformatrices (…) en réaffirmant que la coopération internationale, le multilatéralisme et la solidarité internationale à tous les niveaux constituent le meilleur moyen de relever les défis mondiaux auxquels nous faisons face. »

 

Photo : IISD/ENB Kiara Worth

Portrait Rianne Roshier
Rianne Roshier

Plateforme Agenda 2030

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